Ubérisation : la justice italienne condamne les plateformes de livraison à domicile
Après une enquête ouverte en 2019, le Parquet de Milan a condamné les plateformes de livraisons à domicile Foodinho-Glovo, Uber Eats Italy, Just Eat Italy et Deliveroo Italy à une amende globale de 733 millions d’euros pour mauvaise qualification des contrats de travail conclus avec les livreurs.
Alors que le phénomène d’uberisation s’intensifie en Europe par les confinements successifs et la crise sanitaire de la COVID 19, la justice italienne s’est saisie de la question de l’emploi des livreurs par les plateformes de commandes en ligne et livraison à domicile. Elle a ainsi condamné les plateformes ayant une activité majoritaire en Italie.
Le parquet de Milan estime dans un communiqué qu’« il est indispensable de procéder à une modification du contrat » liant les livreurs à l’employeur car « il ne s’agit pas d’une prestation autonome et occasionnelle mais d’une prestation de type coordonné et continu ». Il a ainsi imposé aux plateformes susmentionnées une « requalification du contrat » au bénéfice des livreurs (60.000 personnes sont concernées), qui ne seront plus rémunérés selon leur rendement mais recevront une rétribution fixe.
La justice italienne a imposé une régularisation dans les 90 jours à venir et un règlement rétroactif des cotisations que les livreurs auraient dû percevoir comme salariés.
Ce n’est pas la première fois en Europe que la justice intervient en la matière puisqu’une des premières positions émane de la Cour de cassation fançaise[1] qui a reconnu le statut de salarié à un livreur à vélo agissant également pour une plate-forme numérique (« Take Eat Easy »).
La Cour avait en effet retenu que « les juges du fond ne pouvaient écarter la qualification de contrat de travail car d’une part, l’application était dotée d’un système de géo-localisation permettant le suivi en temps réel par la société de la position du coursier et la comptabilisation du nombre total de kilomètres parcourus, de sorte que le rôle de la plate-forme ne se limitait pas à la mise en relation du restaurateur, du client et du coursier, et, d’autre part, que la société disposait d’un pouvoir de sanction à l’égard du coursier, constatations dont il résultait l’existence d’un pouvoir de direction et de contrôle de l’exécution de la prestation du livreur caractérisant un lien de subordination ».
Cette position a été confirmée par une décision de la Cour d’appel de Paris qui a jugé que le lien unissant un chauffeur (auto-entrepreneur) avec la société UBER était bien celui d’un contrat de travail.[2]
« L’énorme majorité des livreurs travaille en vertu de contrats de travail autonomes et occasionnels » mais l’enquête « a établi que cette qualification […] est démentie par la réalité des faits », explique le parquet de Milan. « Les livreurs à domicile ne peuvent pas être traités comme des esclaves, ce sont le plus souvent des citoyens étrangers en situation régulière en Italie, des citoyens auxquels on nie un avenir », a déclaré le procureur Francesco Greco.
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Par l’équipe IP/IT du Cabinet UGGC
Source : Maxi-indagine sui rider a Milano, obbligo di assumerne 60mila e multe sulla mancata sicurezza per 733 milioni alle società. Greco: « Non sono schiavi ma cittadini » La Repubblica, 24 février 2021
[1] Cass. Soc., 28 novembre 2018, n°17-20.079, confirmé par Cass. Soc. ; 4 mars 2020 n°19-13.316
[2] CA Paris, 10 janvier 2019, n° RG 18/08357