Sanction inédite : Bercy ordonne le déréférencement de la plateforme numérique Wish
Le 24 novembre 2021, Bercy a fait savoir qu’elle a ordonné aux principaux gestionnaires de magasins d’applications mobiles et de moteurs de recherche de déréférencer le site de e-commerce Wish et son application mobile[1]. Les clients ne pourront désormais accéder à la plateforme de vente qu’en renseignant directement l’adresse web de Wish et non en cherchant par l’intermédiaire des moteurs de recherche comme Google.
Selon la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (ci-après la « DGCCRF »), il ressort des tests menés sur 140 produits que ceux-ci ne seraient pas conformes aux exigences de sécurité et présenteraient des taux de dangerosité particulièrement élevés (par exemple, 90 % des appareils électriques analysés seraient considérés comme dangereux). La plateforme n’effectuerait d’ailleurs pas les procédures de retraits et rappels des produits qu’elle est pourtant tenue de faire en sa qualité de distributeur. Ce faisant, la DGCCRF avait enjoint Wish en juillet 2021 de se mettre en conformité avec ses obligations ; injonction restée sans réponse et ayant conduit à la présente sanction. Cette décision pourrait ne pas être isolée, la DGCCRF ayant également visé d’autres plateformes comme Aliexpress ou Amazon dans un communiqué publié un mois plus tôt[2].
Il s’agit là de mesures inédites prises en application du nouvel article L. 521-3-1 du code de la consommation[3], octroyant de nouveaux pouvoirs à la DGCCRF – qui ne disposait jusqu’alors que d’un pouvoir de saisine judiciaire – dès lors que les agents constatent une infraction ou un manquement aux règles relatives à la conformité et à la sécurité des produits à partir d’une interface en ligne, dont l’auteur ne peut être identifié ou n’a pas déféré aux injonctions qui lui sont imposées. Dans cette hypothèse, la DGCCRF peut désormais notifier aux opérateurs de plateforme en ligne les adresses électroniques des interfaces en ligne dont les contenus sont manifestement illicites afin qu’ils prennent toute mesure utile destinée à faire cesser leur référencement, comme c’est actuellement le cas de Wish. Il faut toutefois que l’infraction constatée soit (i) passible d’au moins deux ans d’emprisonnement et (ii) de nature à porter une atteinte grave à la loyauté des transactions ou à l’intérêt des consommateurs.
Entendu à ce propos, Bruno Le Maire a réaffirmé la volonté des autorités de lutter contre les dérives des géants du numérique en affirmant que « le numérique n’est pas au-dessus des lois »[4] et que le Gouvernement entend bien « lutter efficacement contre une concurrence déloyale d’opérateurs économiques ».
Wish entend de son côté faire appel de la décision de la DGCCRF, alors que Bruno Le Maire a précisé que cette mesure pourrait précéder une interdiction du site sur le territoire français à défaut d’action de la part de la société. L’article L. 521-3-1 du code précité confère en effet le pouvoir à la DGCCRF d’ordonner aux opérateurs de registre ou aux bureaux d’enregistrement de domaines de prendre une mesure de blocage d’un nom de domaine, voir sa suppression en cas d’infraction persistante. L’accès direct par l’adresse web serait dès lors impossible. Les perspectives de contentieux sont donc loin d’être éteintes.
Par Malka Marcinkowski et Arthur El Aoufir pour le département Concurrence.
[1] DGCCRF, communiqué de presse du 24 novembre 2021, « Bruno Le Maire, Alain Griset et Cédric O annoncent des mesures exceptionnelles à l’encontre de la place de marché Wish pour sensibiliser et mieux protéger les consommateurs ».
[2] DGCCRF, communiqué de presse du 15 octobre 2021 « Places de marché en ligne : trop de produits dangereux selon la DGCCRF ».
[3] Introduit par la loi n°2020-1508 du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière (loi DADDUE).
[4] Francetvinfo.fr : « Déréférencement de Wish : Bruno Le Maire prêt à faire interdire le site sur le territoire français s’il ne protège pas davantage les consommateurs ».