Rupture brutale de relation commerciale : le changement de cocontractant n’est pas considéré comme une modification substantielle
« La rupture n’est imputable à l’auteur d’une modification de la relation d’affaires, refusée par l’autre partie, que si cette modification est substantielle ». Voilà le principe que rappelle la Cour de cassation dans son arrêt du 31 mars 2021. La rupture brutale suppose en effet trois conditions cumulatives : une modification substantielle de la relation, procédant d’une décision unilatérale du partenaire, non justifiée par des circonstances objectives.
Qu’est-ce qu’une modification substantielle de la relation ?
Elle est appréciée souverainement par les juges du fond[1] et est le plus souvent défavorable au partenaire[2]. Il peut s’agir par exemple d’une modification sur le volume d’affaires[3], sur une exclusivité d’approvisionnement ou de fourniture[4] ou encore sur les conditions financières[5].
La Chambre commerciale a considéré que des acheteurs imposant à leur vendeur un regroupement de leurs achats au sein d’une société dédiée ne constituent pas une modification substantielle de la relation et ne vaut donc pas rupture brutale.
Faits et procédure
La société Verallia, spécialisée dans la fabrication de bouteilles en verre avait confié la distribution de ses produits à 3 coopératives agricoles.
En 2012, ces dernières ont décidé de regrouper leurs achats au sein de la société Vitisphère Alsace. La société Verallia a fait connaître son opposition au projet qui s’est concrétisé en 2013. Elle a donc assigné les 3 coopératives en paiement de dommages-intérêts pour rupture brutale d’une relation commerciale établie sur le fondement de l’article L442-1 du Code de commerce.
Dans un arrêt du 31 janvier 2019, la Cour d’appel de Paris a jugé que les coopératives avait imposé au fabricant une modification substantielle de la relation commerciale, en invitant ce dernier à facturer la société créée pour regrouper les achats et en cessant leurs approvisionnements propres auprès de lui. Ce changement de cocontractant constitue donc, selon les juges du fond, une rupture brutale de la relation.
Solution de la Cour de cassation
La Cour de cassation censure la Cour d’appel et énonce que « le seul changement d’identité du cocontractant n’est pas suffisant pour caractériser le caractère substantiel de la modification ». De plus, il était soutenu que la relation contractuelle n’avait jamais été conclue intuitu personae et devait continuer aux mêmes conditions commerciales (commandes, tarifs…).
Par Corinne Khayat et Raphaël Dulion
[1] Cass. com., 31 mars 2015, n° 14-11.329
[2] Cass. com., 20 nov. 2019, n° 18-11.966, F-D
[3] V. par ex. : Cass. com., 23 janv. 2007, n° 04-16.779
[4] V. par ex. : Cass. com., 3 févr. 2015, n° 13-24.592
[5] V. par ex. Cass. com., 20 mai 2014, n° 13-16.398