Retard dans l’adoption de la réforme de la chronologie des médias : Netflix passe à l‘offensive
La transposition en droit interne de la directive SMA du 14 novembre 2018 [1] est à l’origine d’une réforme de fond de l’audiovisuel français. Les modifications, portées par l’ordonnance du 21 décembre 2020 [2], abordent de nombreux sujets cruciaux et concernent aussi bien (i) la création d’obligations de contribution à la production audiovisuelle et cinématographique pour les Services de médias audiovisuels à la demande (SMAD) étrangers visant le territoire français [3] (tels que Netflix), que (ii) la révision des fenêtres d’exclusivité de diffusion successives des œuvres cinématographiques par types de diffuseurs telles qu’organisées par la chronologie des médias [4].
Les éléments composant l’actuelle réforme de l’audiovisuel français sont liés : en contrepartie de la création d’obligations de financement de la production cinématographique et audiovisuelle française et européenne imposées aux SMAD étrangers visant la France (typiquement : Netflix, Amazon Prime Video, Disney+), étaient réclamés un assouplissement des fenêtres de diffusion imposées par la chronologie des médias et l’accès au compte de soutien à l’audiovisuel géré par le CNC pour les productions indépendantes de séries commandées par les plateformes [5].
Autrement dit, en échange de leur contribution, les plateformes devaient notamment pouvoir être admises à diffuser les œuvres cinématographiques moins longtemps après leur sortie en salle, soit entre 12 et 14 mois.
Pour mémoire, tous les types de SMAD [6] sont couverts par le décret et l’obligation de contribution vise-t-elle aussi bien les SMAD établis en France que les SMAD étrangers visant le territoire français. Concernant les services de VADA, selon que le service propose annuellement au moins une œuvre cinématographique de longue durée dans un délai inférieur à douze mois après sa sortie en salle, sa contribution variera entre 20 et 25% du chiffre d’affaires réalisé sur le territoire français.
Toutefois, si le décret SMAD est déjà en vigueur depuis le 1er juillet 2021, les contreparties revendiquées se font attendre : la nouvelle chronologie des médias, initialement prévue pour le premier trimestre de l’année 2021[7], est encore en cours de négociation et l’accès au compte de soutien audiovisuel du CNC n’est pas encore clarifié.
Dans ce contexte, Netflix, en chef de file des services de VADA, a écrit le 24 août à la ministre de la Culture Roselyne Bachelot pour presser le gouvernement de débloquer la situation : il y dépose un recours gracieux contre le décret SMAD, conteste l’actuel décret sur la chronologie des médias et demande l’accès au compte de soutien du CNC [8].
Le recours gracieux déposé contre le décret SMAD par Netflix ouvre une fenêtre de 2 mois pour trouver un accord sur la nouvelle chronologie des médias. La ministre de la Culture a, de son côté, indiqué le 30 août 2021 [9] disposer d’un texte « tout prêt » à être appliqué – dont elle n’a pas révélé la teneur – dans l’hypothèse où les négociations entre professionnels n’aboutissaient pas. En ce qui concerne l’ouverture du compte de soutien audiovisuel par le CNC, le Figaro rapporte que la difficulté ne se situe pas là : le Conseil national du cinéma « serait prêt à le faire rapidement » [10].
Les discussions sont particulièrement tendues et le ciel orageux.
Trois décrets clefs doivent en parallèle structurer le paysage : le décret SMAD déjà en vigueur, les prochains décrets TNT et cable-satellite.
Par l’équipe IP/IT d’UGGC Avocats
Sources :
[1] Directive 2018/1808/UE modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive « Services de médias audiovisuels »), compte tenu de l’évolution des réalités du marché.
[2] Ordonnance n° 2020-1642 du 21 décembre 2020 visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels, et modifiant les délais relatifs à l’exploitation des œuvres cinématographiques. Sur ce dernier point voir notamment article 28.Voir : https://www.legifrance.gouv.fr/download/pdf?id=wqq5CCA5s0SfYJEGgvYNTvK88lNSC-q-NZWqUPb-UFY%3D
[3] Article 3 du décret SMAD n° 2021-793 du 22 juin 2021.Voir : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043688681
[4] Arrêté du 25 janvier 2019 portant extension de l’accord pour le réaménagement de la chronologie des médias du 6 septembre 2018 ensemble son avenant du 21 décembre 2018. Voir : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000038109708/
[5] Marina Alcaraz, Création française : le décret précisant les obligations de Netflix et consorts publié au « JO », Les Echos, 23 juin 2021. Voir : https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/creation-francaise-le-decret-precisant-les-obligations-de-netflix-et-consorts-publie-au-jo-1326356
[6] Dispositions liminaires du décret SMAD n° 2021-793 du 22 juin 2021 :
– services de vidéos à la demande par abonnement (VADA) ;
– services de vidéos à la demande payants à l’acte ;
– services de vidéos à la demande gratuits ;
– services de télévision de rattrapage.
[7] Le décret n° 2021-73 du 26 janvier 2021 fixait la date limite de conclusion d’un accord au 31 mars 2021. Voir : https://www.uggc.com/chronologie-des-medias-le-gouvernement-fixe-au-31-mars-2021-la-date-butoir-pour-un-nouvel-accord/#:~:text=Toutefois%2C%20la%20directive%202018%2F1808,ordonnance%20n%C2%B02020%2D1642.&text=A%20son%20article%2028%2C%20l,de%20six%20mois%20apr%C3%A8s%20publication.
[8] Enguérand Renault, Netflix a déposé un recours gracieux contre le décret Smad, Le Figaro, 10 septembre 2021, p. 27. Voir : https://www.lefigaro.fr/medias/netflix-a-depose-un-recours-gracieux-contre-le-decret-smad-20210909
[9] France Info, 8h30 franceinfo, 30 août 2021, Voir : https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/8h30-fauvelle-dely/pass-sanitaire-aides-a-la-presse-presidentielle-2022-le-8h30-franceinfo-de-roselyne-bachelot_4732411.html document audio de 16:05 à 18:00. [10] Article du Figaro précité, in fine