QUI, DE L’EXPLOITANT EN TITRE D’UNE INSTALLATION CLASSEE OU DE SON EXPLOITANT MATERIEL, EST PENALEMENT RESPONSABLE ?
L’arrêt rendu le 13 janvier 2015 (Cass. Crim. n°13-88.183) par la Cour de cassation doit retenir l’attention de tous ceux qui exploitent des installations classées, ou des installations soumises au droit de l’eau, en raison des conséquences qu’il peut avoir sur leur responsabilité pénale.
En effet, la Cour de cassation se prononce sur la question de la responsabilité pénale de la personne -physique ou, le plus souvent, morale- qui s’est vu confiée par l’exploitant en titre l’exploitation matérielle du site.
La situation est fréquente sur certains sites régis par un titre unique et global, mais qui accueillent des activités séparées dont l’une ou plusieurs sont confiées à des sociétés distinctes de celle détenant le titre global ; elle est également fréquente à la suite d’opérations de cession partielle d’actifs dans l’attente de leur finalisation et du transfert global de la qualité d’exploitant à l’acquéreur au terme de la procédure de changement d’exploitant ; elle est enfin extrêmement fréquente dans le cas où, comme en l’espèce, l’exploitation porte sur une activité d’intérêt général, telle l’épuration des eaux ou les opérations relatives aux déchets : en effet, la collectivité publique, qui détient l’installation et a obtenu le titre d’exploitation, délègue souvent, selon les règles de la commande publique, l’exploitation du site à une société tierce.
Tel était le cas en l’espèce où la gestion d’un centre de traitement d’ordures ménagères avait été confiée par un SICTOM à une société privée, et ce au terme d’un marché public. L’enquête diligentée à la suite de la pollution d’un ruisseau traversant le centre de traitement a mis en évidence des activités non conformes aux autorisations d’exploitation. Bien que le SICTOM soit le titulaire de l’autorisation d’exploiter, soit à l’origine des modifications de l’installation, et soit dotée d’une existence juridique au moment des poursuites, c’est son cocontractant privé qui a été poursuivi et condamné par les Juges du fond (CA Bordeaux, arrêt du 26 novembre 2013) pour exploitation sans autorisation d’une installation classée et rejet de substances nuisibles dans un cours d’eau.
Par son arrêt du 13 janvier 2015, la Cour de cassation valide cette position au risque, une nouvelle fois, de porter atteinte à l’unicité du droit des installations classées -et de façon plus générale au droit des autorisations de police administrative- et à la simplicité de sa lecture ; l’arrêt conduit également à s’interroger sur la prise en compte par le juge judiciaire de certains principes et de la réalité du droit de la commande publique.
Il sera revenu dans un autre cadre sur cet arrêt, mais en l’état de cette jurisprudence, il appartient aux sociétés, se trouvant dans cette situation d’exploitant matériel d’activités sans détenir le titre administratif, d’en tirer les conséquences. Une lecture en creux de l’arrêt permet de dégager les principes suivants pour -et certes aux risques d’autres difficultés-, se prémunir de ce risque pénal :
- La nécessité de vérifier le titre détenu par le délégant et la concordance de ce titre à la réalité de l’exploitation ;
- L’obligation pour le délégataire d’avoir à formaliser au délégant des demandes portant sur des travaux et la régularisation du titre ;
- L’éventuelle dénonciation du contrat, dans le respect des règles du droit de la commande publique.
Le moins que l’on puisse dire est que la voie est étroite.