Pas de possibilité d’obtenir, en référé, l’anonymisation d’un article de presse sur le fondement du droit à l’oubli
En mai 2012, le journal Le Monde publie un article en ligne analysant les résultats des élections présidentielles.
Il y traite notamment du score important réalisé par le FN et évoque la recrudescence des manifestions de l’extrême droite radicale au mois de mai qui réunissent « un nombre important de français » dont les membres d’un ancien groupe de rock, expressément nommés.
Un membre dudit groupe de rock découvre que l’article est toujours accessible dans les archives en ligne du journal.
Il adresse une demande de déréférencement auprès de Google, qui fait droit à sa demande. Il met ensuite la société éditrice du Monde en demeure de retirer son nom de l’article au titre de l’article 6 de la LCN et de l’article 17 du RGPD, en vain.
Il décide de saisir le juge des référés, afin qu’il se prononce sur le trouble manifestement illicite résultant de ce refus.
Le juge des référés commence par rappeler les limites du droit à l’oubli prévues aux termes de l’Article 17-3 a) du RGPD. Il ne peut s’exercer lorsque le traitement des données personnelles en cause est nécessaire à l’exercice du droit à la liberté d’expression et d’information.
En l’espèce, il estime que la mention du nom du requérant relève du droit d’information sur les connexions entre divers groupements d’extrême droite et des personnalités, dont l’identité pouvait présenter une importance pour le lecteur. De plus, le demandeur ne pouvait soutenir que l’ancienneté relative de ces informations les rende obsolètes au regard du sujet, les divisions politiques du pays demeurant d’actualité. Enfin, les données en cause n’étaient pas des données « sensibles ».
Le juge conclut que « le fait d’imposer à une organe de presse de supprimer de son site internet, qui a vocation à terme à nourrir des archives, les noms et prénoms des personnes qui traversent l’actualité, lesquelles permettent au public de s’informer sur des événements de l’histoire contemporaine, risque de priver d’une grande part d’intérêt et de sens la lecture de la presse, notamment politique, impliquant de se référer à des éléments individualisés. »
Il ajoute enfin que faire droit à la demande du requérant serait disproportionné en l’absence d’un droit discrétionnaire à l’anonymisation des articles de presse en ligne, d’un fondement juridique à un droit généralisé « à l’oubli ».
Le juge dit, en conséquence, n’y avoir lieu à référé. Les demandes sont rejetées.
Le Cabinet UGGC Avocats et son équipe spécialisée en droit des données personnelles et en droit de la presse se tiennent à votre disposition pour toute question que vous pourriez avoir à ce sujet.
Par l’équipe IP/IT du Cabinet UGGC Avocats
Références de la décision : Tribunal judiciaire de Paris, 7 mars 2021, RG 21/51020
Sources : Legipresse