Mode : un stylisme salarié est-il aussi auteur des créations ?
La reconnaissance de la qualité d’auteur pour un styliste salarié dans une maison de mode n’est pas toujours évidente, surtout lorsque plusieurs personnes interviennent sur le dessin ou la confection du premier prototype du vêtement. La Cour d’Appel de Paris a eu l’occasion de rappeler certains mécanismes en la matière le 5 mars 2021.
La Cour est en effet revenue sur la question du cumul des qualités d’auteur et de salarié en s’inscrivant dans une jurisprudence établie, à l’occasion d’un cas où un salarié d’une entreprise spécialisée dans le prêt-à-porter et les accessoires de mode, a revendiqué la création, en septembre 2014, d’une paire de baskets vintage.
Ce dernier argue qu’il a « créé des variantes de cette chaussure, comportant toutes une semelle d’inspiration léopard, et avoir conçu, pour l’emballage de ces baskets, une boite/sac sur laquelle est représenté un croquis du modèle et d’où sortent des lacets ».
Après être mise en demeure, l’entreprise a revendiqué que les droits d’auteur sur cette basket revenaient à la directrice artistique et non au salarié styliste.
Dans ce contexte, le salarié a fait assigner en 2017 son employeur devant le tribunal de grande instance de Paris pour violation des droits patrimoniaux et moraux attachés à sa qualité d’auteur de la paire de basket, sa semelle léopard, sa boîte/sac d’emballage.
Débouté en première instance, la Cour d’Appel de Paris a tout d’abord rappelé que « que l’existence d’un contrat de travail n’est pas exclusive de la protection par le droit d’auteur et le salarié est investi des droits de propriété incorporelle institués au bénéfice de l’auteur pour peu qu’il ait fait oeuvre de création en conservant sa liberté et sans que les choix esthétiques opérés ne lui aient été imposés par l’employeur. »
Même si le salarié à stratégiquement défendu sa position en ajoutant qu’il était « chargé d’insuffler une inspiration, de nourrir une vision, de ‘concevoir, dessiner et développer les lignes de sacs, de souliers », il n’en reste pas moins que ce dernier était « au sein d’une équipe créative appelée à construire le style (de l’entreprise), et sous la direction et le contrôle de la directrice du style, à laquelle il est rattaché et qui assume la responsabilité du management de l’équipe de style ainsi que la responsabilité stylistique pour le prêt-à-porter et les accessoires ».
La Cour conclut alors que l’autonomie créatrice du salarié était restreinte et que celui-ci en référait pour obtenir approbation, non seulement à la directrice artistique mais aussi, en amont, à l’ensemble de l’équipe de style de l’entreprise. Le salarié travaillait donc en collaboration avec l’équipe de style de la société et sous la subordination de sa directrice de style, ce qui n’établit pas la titularité des droits d’auteur sur la basket, la boîte/sac d’emballage, et la semelle léopard créées pour cette collection.
La Cour d’appel, sans énoncer une solution nouvelle, rappelle donc qu’un salarié qui prend part à un processus collectif de création sous la supervision d’une directrice artistique ne peut pas être en mesure de revendiquer la qualité d’auteur si celui-ci ne justifie pas qu’il disposait de libertés de choix esthétiques et de création.
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Par l’équipe IP/IT du cabinet UGGC Avocats
Sources : Cour d’appel de Paris, Pôle 5 – chambre 2, 5 mars 2021, n° 19/17254