Loïc Sécher indemnisé par l’Etat après sept ans de prison
Monsieur Loïc Sécher a passé plus de sept ans en prison. Il a été condamné par deux fois par des Cours d’assises, en 2003 et 2004, pour avoir violé une jeune fille de 14 ans.
Les juges avaient prononcé une peine de 16 ans de réclusion criminelle.
En 2008, la jeune fille s’était rétractée.
Une instance en révision avait été introduite devant la Cour de cassation qui avait abouti à une annulation de la condamnation en 2010.
Monsieur Sécher avait été remis en liberté puis, finalement, acquitté par la Cour d’assises de Paris le 24 juin 2011.
Le 25 septembre 2012, Monsieur Loïc Sécher vient d’être indemnisé par le Premier Président de la Cour d’appel de Rennes pour les préjudices, moraux et matériels, consécutifs à son incarcération : 600 000 € au titre du préjudice moral et 197 352,32 € au titre du préjudice matériel (ce dernier pouvant notamment inclure les pertes de revenus et les frais d’avocat en lien avec l’incarcération).
Près de 800 000 € pour sept ans de prison, sans que la Cour n’ait eu à s’interroger sur l’existence d’une éventuelle faute de l’Etat. Car la loi est ainsi faite : dès lors que l’accusé a été finalement acquitté, l’indemnisation est due en son principe, seul le préjudice doit être prouvé.
A titre de comparaison, le Premier Président de la Cour d’appel de Paris avait accordé environ 360 000 € (dont 170 000 € pour le préjudice moral) à un requérant, en 2011, alors que celui-ci avait effectué près de 6 ans de détention.
Traduire la souffrance morale en argent comporte nécessairement une part d’arbitraire – ces décisions le montrent – dans la décision du juge, ce dernier n’étant tenu par aucune grille tarifaire.
En outre, la comparaison entre les décisions des Cours d’appel de Rennes et de Paris ne peut se résumer à la seule évocation des montants alloués et des années d’emprisonnement effectuées.
En effet, le Premier Président de la Cour d’appel de Paris, statuant dans l’affaire ci-dessus évoquée, était saisi sur le fondement de l’article 149 du Code de procédure pénale[1], lequel prévoit l’indemnisation des préjudices directement et exclusivement consécutifs à l’incarcération provisoire, lorsque la procédure se solde par un non-lieu, une relaxe ou un acquittement, tous définitifs.
Au contraire, Monsieur Sécher a été indemnisé sur le fondement de l’article 626 du Code de procédure pénale[2], texte uniquement applicable aux personnes ayant été innocentées après une procédure de révision. C’était précisément le cas de Monsieur Sécher, qui avait auparavant été condamné à deux reprises.
Or, cette dernière procédure vise à réparer les préjudices causés par la condamnation et non par la détention.
La différence majeure entre ces deux situations tient donc au fait que Monsieur Sécher avait été définitivement condamné pour viol et donc victime d’une « erreur judiciaire », avant la rétractation tardive de son accusatrice.
L’autre différence entre les procédures « article 149 » et « article 626 » réside dans la possibilité pour les proches, la famille en particulier, d’être indemnisés par l’Etat : si l’indemnisation est exclue en matière d’indemnisation de la détention provisoire, elle et au contraire possible en cas d’indemnisation après révision.
Au-delà de ces considérations purement juridiques, le moraliste lui s’interrogera sur le sort de la jeune fille. Quel prix paiera t’elle pour avoir, par malignité, détestation, fantasme accusé un homme qui lui est redevable de 7 ans de prison et de toutes les souffrances qui peuvent en résulter ?
[1] « Sans préjudice de l’application des dispositions des articles L. 141-2 et L. 141-3 du code de l’organisation judiciaire, la personne qui a fait l’objet d’une détention provisoire au cours d’une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement devenue définitive a droit, à sa demande, à réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention. Toutefois, aucune réparation n’est due lorsque cette décision a pour seul fondement la reconnaissance de son irresponsabilité au sens de l’article 122-1 du code pénal, une amnistie postérieure à la mise en détention provisoire, ou la prescription de l’action publique intervenue après la libération de la personne, lorsque la personne était dans le même temps détenue pour une autre cause, ou lorsque la personne a fait l’objet d’une détention provisoire pour s’être librement et volontairement accusée ou laissé accuser à tort en vue de faire échapper l’auteur des faits aux poursuites. A la demande de l’intéressé, le préjudice est évalué par expertise contradictoire réalisée dans les conditions des articles 156 et suivants.
Lorsque la décision de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement lui est notifiée, la personne est avisée de son droit de demander réparation, ainsi que des dispositions des articles 149-1 à 149-3 (premier alinéa) ».
[2] « Sans préjudice des dispositions des deuxième et troisième alinéas de l’article L. 781-1 du code de l’organisation judiciaire, un condamné reconnu innocent en application du présent titre a droit à réparation intégrale du préjudice matériel et moral que lui a causé la condamnation. Toutefois, aucune réparation n’est due lorsque la personne a été condamnée pour des faits dont elle s’est librement et volontairement accusée ou laissé accuser à tort en vue de faire échapper l’auteur des faits aux poursuites.
Peut également demander une réparation, dans les mêmes conditions, toute personne justifiant du préjudice que lui a causé la condamnation.
A la demande de l’intéressé, le préjudice est évalué par expertise contradictoire réalisée dans les conditions des articles 156 et suivants.
La réparation est allouée par le premier président de la cour d’appel dans le ressort de laquelle réside l’intéressé et suivant la procédure prévue par les articles 149-2 à 149-4. Si la personne en fait la demande, la réparation peut également être allouée par la décision d’où résulte son innocence. Devant la cour d’assises, la réparation est allouée par la cour statuant, comme en matière civile, sans l’assistance des jurés.
Cette réparation est à la charge de l’Etat, sauf son recours contre la partie civile, le dénonciateur ou le faux témoin par la faute desquels la condamnation a été prononcée. Elle est payée comme frais de justice criminelle, correctionnelle et de police.
Si le demandeur le requiert, l’arrêt ou le jugement de révision d’où résulte l’innocence du condamné est affiché dans la ville où a été prononcée la condamnation, dans la commune du lieu où le crime ou le délit a été commis, dans celle du domicile des demandeurs en révision, dans celles du lieu de naissance et du dernier domicile de la victime de l’erreur judiciaire, si elle est décédée ; dans les mêmes conditions, il est ordonné qu’il soit inséré au Journal officiel et publié par extraits dans cinq journaux au choix de la juridiction qui a prononcé la décision.
Les frais de la publicité ci-dessus prévue sont à la charge du Trésor ».