L’obligation d’information des médecins : le Conseil d’Etat et la Cour de Cassation en harmonie
Cass. 1ère civ. 23 janvier 2014 (12-22.123)
« Indépendamment des cas dans lesquels le défaut d’information sur les risques inhérents à un acte d’investigation, de traitement ou de prévention a fait perdre au patient une chance d’éviter le dommage résultant de la réalisation de l’un de ces risques en refusant qu’il soit pratiqué, le non-respect, par un professionnel de santé de son devoir d’information cause à celui auquel l’information était due, lorsque ce risque se réalise, un préjudice résultant d’un défaut de préparation aux conséquences d’un tel risque, que le juge ne peut laisser sans réparation ».
Par un arrêt historique du 3 juin 2010[1], la Cour de Cassation avait consacré, sur le fondement des articles 16, 16-3 et 1382 du code civil, l’existence d’un préjudice moral autonome, né du défaut du défaut d’information, déconnecté de l’atteinte corporelle, qui ne peut rester sans réparation et, ce donc, même si les conséquences de l’intervention ont été bénéfiques, même si le patient n’avait pas d’autre choix que l’intervention.
Le Conseil d’Etat dans des arrêts des 24 septembre 2012[2] et 10 octobre 2012[3], après avoir appelé sa jurisprudence sur la perte de chance, a, à son tour, admis le principe de la réparation possible d’un préjudice distinct de celui de la perte de chance. Mais, il en a limité l’étendue en précisant que le manquement des médecins à leur obligation d’informer le patient des risques courus ouvre pour l’intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d’obtenir réparation des troubles qu’il a pu subir du fait qu’il n’a pas pu se préparer à cette éventualité, notamment en prenant certaines dispositions personnelles ».
La Cour de cassation a désormais emboîté le pas du Conseil d’Etat dans son arrêt du 23 janvier 2014 et a clarifié sa position en faisant du droit à l’information un droit personnel, accessoire au droit à l’intégrité corporelle, qui implique, pour sa réparation, la réalisation du risque dont le patient n’a pas été informé et la preuve de la réalité et de l’ampleur d’un préjudice résultant d’un défaut de préparation aux conséquences d’un tel risque.
Cet arrêt complète la construction jurisprudentielle sur le principe et le fondement de la réparation du défaut d’information, dans un objectif de rééquilibre de la relation de confiance patient/médecin[4] qui ne peut qu’être loué.
De quoi rassurer les médecins tout en maintenant le droit à indemnisation des patients qui peuvent cumuler une indemnisation au titre de la perte de chance et au titre d’un préjudice moral d’impréparation au risque qui s’est réalisé.