Le juge de la mise en état est incompétent pour statuer sur une demande de nullité d’une expertise judiciaire

15/04/2013

Cass. 2e civ., 31 janvier 2013, n° 10-16.910, FS P+B : JurisData n° 2013-001108

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a dû préciser dans un arrêt du 31 janvier 2013 que le juge de la mise en état n’est pas compétent pour statuer sur une demande de nullité du rapport d’expertise judiciaire.

La question se posait au regard de la confrontation des dispositions de l’article 771 du code de procédure civile à celles de l’article 175 du même code.

L’article 771 du code de procédure civile donne compétence au juge de la mise en état pour statuer sur les exceptions de procédure, les parties n’étant plus recevables à les soulever après son dessaisissement.

Et l’article 175 du code de procédure civile dispose que la nullité des décisions et actes d’exécution relatifs aux mesures d’instruction est soumise aux dispositions qui régissent la nullité des actes de procédure.

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence, dont la décision a été censurée par l’arrêt susvisé, avait rejeté, sur le fondement de ces textes, une demande de nullité du rapport d’expertise présentée devant les juges du fond par une partie qui reprochait à l’expert de ne pas avoir accompli sa mission avec conscience, objectivité et impartialité et d’avoir outrepassé celle-ci s’agissant du montant des honoraires (dans le même sens : CA Aix-en-Provence 11 Mars 2010 N° 2010/103).

Sur la même question, la Cour d’appel de Rennes avait jugé, à l’opposé de la cour d’Aix en Provence, que la compétence du juge de la mise en état était limitée aux critiques constituant de réelles exceptions de procédure. La Cour a ainsi jugé (22 Mars 2012 N° 152, 11/00858 Numéro JurisData : 2012-018519) :

« En vertu des dispositions de l’article 175 du code de procédure civile, la nullité des décisions et actes d’exécution relatifs aux mesures d’instruction est soumise aux dispositions qui régissent la nullité des actes de procédure et dès lors, le juge de la mise en état, par application des dispositions de l’article 771 1° du même code est compétent pour en connaître.

Toutefois, encore faut-il que les moyens soulevés à l’appui de la demande de nullité constituent de réelles exceptions de procédures et non, en réalité, des moyens de défense au fond.

Constituent des moyens de défense au fond ceux soulevés par Madame PRIGENT lorsqu’elle relève que l’expert s’est contredit, que l’expert s’est appuyé sur des témoignages plutôt que sur des constats techniques, que l’expert a manqué d’objectivité et/ou qu’il a fait preuve de subjectivité dans ses conclusions, qu’il aurait pris partie pour la partie adverse.

Il en résulte que le juge de la mise en état est incompétent pour statuer sur ces moyens. »

La Cour de cassation clôt le débat en décidant que :

« si elle est soumise au régime des nullités de procédure en application de l’article 175 du code de procédure civile, la demande de nullité de l’expertise ne constitue pas une exception de procédure au sens de l’article 73 du même code ».

L’article 73 du code de procédure civile définit l’exception de procédure comme « tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours ». Or la demande de nullité de l’expertise qui ne vise pas à faire déclarer irrégulière l’ensemble de la procédure mais seulement une mesure d’instruction, ne peut à juste titre être considérée comme une exception de procédure, et ce d’autant que le rapport d’expertise n’influence pas le cours de la procédure elle-même, mais la seule appréciation par le juge du fond de l’issue du litige.