Le bénéficiaire d’une sûreté réelle pour autrui échappe à la procédure collective du constituant … pour le moment
Cass. com. 25 novembre 2020, n°19-11.525, FS-P ; Cass. Com. 17 juin 2020, n°19-13.153, FS-P+B+R
- La sûreté réelle pour autrui en droit commun
Depuis un arrêt de la chambre mixte du 2 décembre 2005 , la Cour de cassation considère qu’une sûreté réelle pour autrui n’implique aucun engagement personnel du constituant à satisfaire l’obligation d’autrui (Cass.ch. mixte. 2 décembre 2005, n°03-18.210).
Par sûreté réelle pour autrui on entend par exemple la constitution d’une hypothèque pour garantir la dette d’un tiers.
Autrement dit, l’appel de la garantie ne peut consister que dans la vente du bien donné en garantie et non dans une condamnation du constituant à payer la somme garantie, en l’absence d’engagement personnel.
- La sûreté réelle en procédures collectives : la modification de la solution dégagée en 1998
La Cour de cassation en a déduit dans un arrêt rendu le 17 juin 2020 que le bénéficiaire d’une sûreté réelle pour autrui, faute d’engagement personnel du constituant, n’est pas le créancier du constituant et n’est donc pas tenu de déclarer sa créance au passif de la procédure collective du constituant (Cass. Com. 17 juin 2020, n°19-13.153, FS-P+B+R ; Cass. Com. 25 novembre 2020, n°18-26.272, non publié).
Par cette décision, la Cour de cassation revient donc sur la position qu’elle avait adoptée le 27 octobre 1998 (Cass. com 27 octobre 1998, n°96-14.037).
- La précision apportée par l’arrêt du 25 novembre 2020
Dans son arrêt du 25 novembre 2020, la Cour de cassation tire les conséquences de l’arrêt du 17 juin 2020 en apportant une précision supplémentaire : la Cour énonce que le bénéficiaire d’une sûreté réelle pour autrui n’est pas soumis à la règle de l’arrêt des poursuites individuelles résultant de la procédure collective à laquelle le constituant serait soumis et qu’il «peut poursuivre ou engager une procédure de saisie immobilière contre le constituant, après avoir mis en cause l’administrateur et le représentant des créanciers ».
- En pratique
Le bénéficiaire d’une sûreté réelle pour autrui consentie par une personne ultérieurement placée en procédure collective n’est pas tenu de déclarer sa créance et peut poursuivre la réalisation de sa sûreté post ouverture après mise en cause des organes de la procédure.
On peut néanmoins observer que si le constituant n’est pas débiteur d’une somme d’argent à l’égard du bénéficiaire, il existe bien un rapport débiteur-créancier entre le constituant et le bénéficiaire.
Par ailleurs, si le bénéficiaire peut réaliser sa sûreté réelle en dehors des règles régissant la procédure collective du constituant, cela signifie qu’il peut appréhender le bien, objet de la sûreté lors de la période d’observation ou de l’exécution du plan et menacer le retournement de la société dans le cadre de la procédure collective.
La Cour de cassation ne précise pas, en revanche, le sort du produit de réalisation de la sûreté. Le bénéficiaire de la sûreté pourra-t-il le conserver ou sera-t-il réparti entre les créanciers de la procédure collective?
Cette question est assurément à suivre et de la réponse qu’apportera la Cour de cassation dépendra l’attractivité de la sûreté réelle pour autrui.
Article rédigé par Thierry Montéran et Marine Simonnot
Source : Légifrance