La rigueur de la Cour de cassation dans l’application du principe du contradictoire
Classiquement, les chambres civiles de la Cour de cassation considéraient que le rapport d’expertise était inopposable au tiers qui n’avait été ni appelé ni représenté aux opérations d’expertise, sous réserve toutefois que le juge se soit fondé exclusivement sur le rapport à l’exclusion d’autres pièces et que la partie ait expressément invoqué l’inopposabilité du rapport à son égard [1].
Ce principe est remis en cause par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation par un arrêt en date du 8 septembre 2011 [2].
En effet, après avoir relevé que le rapport d’expertise judiciaire avait été « versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties », la deuxième chambre civile de la Cour de cassation juge que c’est sans méconnaître les dispositions de l’article 16 du Code de procédure civile que la cour d’appel s’est déterminée en considération de ce seul rapport pour condamner une partie qui n’avait pas été appelée aux opérations d’expertise.
Dans les matières dans lesquelles le débat est essentiellement technique si bien que l’avis du technicien est le plus souvent purement et simplement entériné par le juge, une telle solution revient en pratique à priver la partie qui n’a pas été appelée aux opérations d’expertise de toute possibilité de se défendre dès lors qu’elle n’a pas pu débattre techniquement des points sur lesquels portait la mission de l’expert, sauf à apporter un avis scientifique contraire argumenté en vue d’obtenir une nouvelle mesure d’expertise.
[1] Cass. 1ère civ. 13 mars 2007, pourvoi n°05-20.439 ; Cass. 2ème civ. 18 septembre 2003, n°01-17.584, Bull. civ.2003, II, n°282 ; Cass. 2ème civ. 11 décembre 2003, pourvoi n°02-15.912, Bull. 2003 II n°379 ; Cass. civ. 2ème 17 février 2011, pourvoi n°10-30.429 ; Cass. 3ème civ. 5 décembre 2006, pourvoi n°05-20.356 ; Cass. 3ème civ. 25 septembre 2007, pourvoi n°06-17.907