La cession des catalogues audiovisuels
La loi n° 2021-1382 du 25 octobre 2021 relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique a apporté certaines évolutions qui viennent renforcer la protection du patrimoine cinématographique et audiovisuel français.
Une étape importante dans la protection des œuvres cinématographiques et audiovisuelles avait été franchie avec la loi du 7 juillet 2016, venue modifier l’article L.132-27[1]du Code de la propriété intellectuelle, qui a instauré une obligation d’exploitation suivie pesant sur le producteur d’œuvres cinématographiques ou audiovisuelles. Cette exigence d’exploitation suivie a été précisée par la suite par un accord professionnel du 3 octobre 2016 sous l’égide du CNC[2] ; il incombait dès lors aux producteurs d’assurer, d’une part, la préservation des éléments ayant contribué à la réalisation de ces œuvres, et leur exploitation optimale d’autre part.
Cette obligation ne se cantonnait néanmoins qu’aux œuvres régies par des contrats de production français. La loi du 25 octobre 2021 est ainsi venue renforcer la protection de l’exploitation des œuvres en cas de cession à des producteurs étrangers, dans un contexte de prise d’importance croissante des SMAD étrangers, et a ajouté un Titre VI « Protection de l’accès du public aux œuvres cinématographiques et audiovisuelles » au Livre II du Code du Cinéma et de l’Image Animée. Désormais, pour pallier la sous-exploitation des œuvres françaises qui ne tomberaient plus sous le coup de la protection de l’article L.132-27 du CPI, la loi instaure désormais une obligation de notification préalable à la cession, à destination du ministre de la Culture, codifiée à l’article L.261-2 du Code du Cinéma et de l’Image Animée[3].
(Voir à ce sujet notre article paru le 18/11/21 : La promulgation de la loi relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique : un bond en avant pour la défense de la création française)
Cette notification, devant intervenir au moins six mois avant la cession, s’accompagne d’un dossier justifiant des capacités du bénéficiaire de la cession à assurer l’exploitation suivie de l’article L.132-27 du CPI. Dans un délai de trois mois, le ministre de la Culture doit évaluer la viabilité des mesures envisagées par le cessionnaire ; si celles-ci lui paraissent insuffisantes, il peut soumettre la demande à une Commission de protection de l’accès aux œuvres, instituée par un Décret n° 2022-256 du 25 février 2022 modifiant la partie réglementaire du code du cinéma et de l’image animée et portant diverses mesures relatives au secteur du cinéma et de l’image animée. Pendant réglementaire de la loi du 25 octobre 2021, ce décret crée également un Titre VI faisant écho aux nouvelles dispositions législatives, et codifie la composition et les attributions de la Commission de protection aux articles R.261-6 et suivants du CCIA. Une fois la Commission saisie, elle entend le cédant et le bénéficiaire et rend une décision susceptible de recours devant le juge judiciaire.
Ce jalon supplémentaire dans le renforcement de la protection de l’accès aux œuvres culturelles vient ainsi faire barrage à la sortie du territoire français d’un certain nombre de ces œuvres, dont la pratique actuelle des SMAD est de les acquérir par catalogues entiers. Cette protection qui dépasse nos frontières vise ainsi un objectif de préservation du patrimoine culturel national, qui se compose en grande partie d’œuvres ayant fait l’objet de financements publics[4].
[1] https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000033688073
[2]Etendu par un arrêté du 7 octobre 2016, https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000033274338
[3] https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000044246884
[4]F. Pollaud-Dulian, « Fusion du CSA et de la HADOPI dans l’ARCOM et contrôle des cessions d’œuvres audiovisuelles à l’étranger », RTD Com. 2021 p. 835