Infection nosocomiale
L’état de la jurisprudence ne peut être compris qu’au regard de l’objectif initial du juge dans les arrêts du 29 juin 1999[1] et repris par le législateur dans l’article L. 1142-1 I alinéa 2 visant les établissements de santé[2]. L’indemnisation des victimes en cas d’infection nosocomiale a justifié la mise en place d’une responsabilité de plein droit afin de faciliter la preuve qui doit être rapportée par le plaignant et inciter les établissements à maîtriser le risque nosocomial, enjeu essentiel de santé publique[3].
Cet objectif est rappelé par le conseil constitutionnel dans sa réponse à la question prioritaire de constitutionnalité qui lui a été posée relativement à la conformité à la constitution du 2ème alinéa de l’article L. 1142-1 I[4] au regard de la différence de traitement selon notamment que l’infection a été contractée dans un établissement, service ou organisme de santé ou auprès d’un professionnel de santé exerçant en ville.
Ainsi, la seule voie exonératoire pour les établissements, réside dans la preuve de la cause étrangère, « arlésienne » du droit de la responsabilité en matière d’infections nosocomiales.
Les tentatives pour la faire reconnaître échouent :
-l’absence de faute de l’établissement ou d’un tiers n’est pas exonératoire[5],
-le caractère endogène du germe n’est pas constitutif d’une cause étrangère[6],
-l’état de vulnérabilité du patient, pas plus[7]
-la pathologie du patient consécutive aux soins ne l’est pas non plus. C’est ce que vient de préciser la cour de cassation dans un arrêt du 14 avril 2016[8].
En effet selon cet arrêt « même si l’infection avait pu être provoquée par la pathologie de la patiente, liée à un aléa thérapeutique, cette infection demeurait consécutive aux soins dispensés au sein de la clinique et ne procédait pas d’une circonstance extérieure à l’activité de cet établissement ».
Néanmoins, les conséquences de cette responsabilité de plein droit peuvent être minimisées par le biais des recours en garantie des établissements car si la faute d’un médecin n’est pas exonératoire, elle peut néanmoins fonder le recours en garantie en totalité ou en partie.
C’est ce que conforte l’arrêt précité dans un cas où la faute a été à l’origine d’un retard préjudiciable dans le traitement de l’infection. La cour de cassation a, ici, approuvé les juges du fond d’avoir jugé que, dans les rapports entre la clinique et le praticien, la garantie de celui-ci devait être limitée à 50%, les négligences à l’origine du retard dans le traitement n’ayant en l’espèce aggravé les séquelles de la victime que pour partie.
[1] Cass. civ. 1ère 29 juin 1999 – jurisprudence du staphylocoque doré au visa de l’article 1147 du code civil, un arrêt concerne l’établissement de santé, deux concernent le médecin, n°97-14.254, n°97-818, n°97-21.903 bull. civ. I, n°220, 221 et 222.
[2] Article L.1142-1 I alinéa 2 du code de la santé publique « les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsable des dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve de la cause étrangère ».
[3] Rapport Jean-Louis Lorrain sur la proposition de loi About, relative à la responsabilité médicale – n°49- séance 6/11/2002
[4] Cons. const. décision n°2016-531 QPC du 1er avril 2016 – « … 7….qu’au surplus, les établissements, services et organismes de santé sont tenus, en vertu des articles L .6111-2 et suivants du code de la santé publique, de mettre en œuvre une politique d’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins et d’organiser la lutte contre les évènements indésirables, les infections associées aux soins et l’iatrogénie ; .. ».
[5] Cass. civ. 1ère 28/10/2010 n°09-13990 ; Cas. civ. 1ère 17/06/2010 n°09.6711
[6] Cass. civ. 1ère 4 avril 2006 n°04-17491 ; Cass. civ. 1ère 14 juin 2007 n°06-10812 ; CE 10 octobre 2011 n°328500 ; CE 15 avril 2015 n°367267
[7] CE 17 févr. 2012 n°342386 Madame Mau ; CE 12 mars 2014 n°358111
[8] Cass. civ. 14 avr. 2016 n°14-23909