De l’opportunité du travail le dimanche ?
Par Dorothée Platt & Sophie Uettwiller
La polémique sur le travail dominical est lancée. Au cours des dernières semaines, les divergences d’opinons ont refait surface suite à la condamnation d’enseignes de bricolage à fermer leurs portes le dimanche… puis à l’autorisation de leur réouverture !
Dans cette affaire, tout a commencé en décembre dernier avec la condamnation de Bricorama pour non-respect du repos dominical de ses salariés, suite à une plainte du syndicat Force Ouvrière. A la suite de cette condamnation, Bricorama se sentant lésé par rapport à ses concurrents Leroy-Merlin et Castorama, les a assignés en référé devant le tribunal de commerce de Bobigny, au motif que leur ouverture le dimanche constituait une distorsion de concurrence manifeste.
Quelle cacophonie !
Aujourd’hui, le code du travail prévoit que par principe, dans l’intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est dominical[1].
Mais, un mille feuilles de dérogations s’est juxtaposé à ce principe, conduisant à le vider de sa substance.
Les dérogations peuvent dépendre de multiples considérations et notamment de la situation géographique de l’entreprise[2]. Le secteur d’activité d’une entreprise peut aussi fonder l’existence d’une dérogation[3]. C’est par exemple le cas pour les Hôtels, cafés, restaurant ou pour les hôpitaux. Les commerces de détails alimentaires bénéficient eux, d’une dérogation au repos dominical mais uniquement jusqu’à 13h[4].
Concernant le domaine de l’industrie, il faut un accord collectif pour autoriser une dérogation au repos dominical sous condition d’instituer des équipes de suppléances ou de mettre en place du travail en continu[5].
Par ailleurs, le maire peut accorder une dérogation à la fermeture des établissements de commerce de détail 5 dimanches sur l’année[6], de même qu’une autorisation préfectorale individuelle peut aussi permettre de contourner l’obligation du repos dominical.
Notons tout de même qu’à aucun moment, le consentement des salariés ne figure au nombre des dérogations admises par le droit français.
Les exceptions ne sont-elles pas alors allées si loin que se pose la question de l’opportunité du maintien de l’interdiction ? Tant les salariés que les consommateurs se retrouvent désormais face à des situations absurdes, voire arbitraires : à Paris par exemple les Champs-Elysées peuvent ouvrir mais pas le boulevard Haussmann, les magasins de meubles mais pas ceux de bricolage, les supermarchés uniquement la matinée mais les bureaux de tabac toute la journée.
Les syndicats, qui se battent contre le travail du dimanche en arguant la défense des intérêts des salariés, sont mis en cause par les salariés eux-mêmes, tant il est vrai qu’une telle approche est nuisible au développement de l’emploi.
Face à la concurrence internet et aux difficultés des entreprises, il est assurément temps de donner plus de liberté sur le travail du dimanche, à charge pour les branches et/ou les entreprises de négocier des contreparties favorables aux salariés.
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[1] Article L3132-3 du code du travail