Retour

Nouvelles règles en matière de pratiques de commerce et de protection du consommateur en Belgique

24 mai 2010

Le législateur belge a récemment procédé à une refonte complète de la loi sur les pratiques de commerce, considérée comme la plus restrictive en Europe et non adaptée à la réalité économique et sociale actuelle. La nouvelle loi s’appelle dorénavant « loi relative aux pratiques de marché et à la protection du consommateur » (ci-après LPMC ») pour marquer l’objet plus large que celui de la directive européenne sur les pratiques commerciales déloyales (ci-après « la Directive »). La LPMC est entrée en vigueur le 12 mai 2010.
Le présent article, loin de vouloir faire une analyse approfondie du nouveau texte, n’a pour ambition que d’en présenter les principales nouveautés.

Les Informations procurées au consommateur notamment sur les prix

Désormais, une obligation générale d’information pèse sur les entreprises. Celles-ci doivent apporter de bonne foi les informations correctes et utiles relatives aux caractéristiques principales du produit ou du service et aux conditions de vente, compte tenu du besoin d’information exprimé par le consommateur et de l’usage déclaré par ce dernier ou raisonnablement prévisible. Ces informations ne peuvent être équivoques ou trompeuses.
L’exigence préalablement existante selon laquelle les mentions obligatoires de l’étiquetage, les modes d’emploi et les bulletins de garantie devaient être libellés dans une langue ou les langues de la région linguistique où les produits ou les services sont mis sur le marché est maintenant remplacée par l’obligation de les libeller dans une langue compréhensible pour le consommateur moyen.
Les normes excessivement formalistes en matière d’annonce des réductions de prix ou promotions sont remplacées par l’obligation pour l’entreprise d’appliquer le nouveau prix à un niveau inférieur au prix le plus bas (« prix de référence ») pratiqué au même point de vente ou selon la même technique de vente durant le mois précédant le premier jour pour lequel le prix réduit est annoncé. Ce prix de référence, sur lequel la réduction est appliquée, doit être mentionné ou aisément calculable pour le consommateur moyen. La période pendant laquelle la réduction est annoncée ne peut être en principe inférieure à un jour ni supérieure à un mois.
La charge de la preuve du respect de ces conditions incombe à l’entreprise. Toutes les interdictions per se d’autres comparaisons de prix sont maintenant supprimées.
La LPMC prévoit des conditions spécifiques applicables aux titres donnant droit à un remboursement ou à une réduction de prix (les anciens bons de valeur). L’obligation d’immatriculation auprès de l’administration est désormais supprimée.

Régimes spécifiques de certaines catégories de vente

Font l’objet d’un régime spécifique, les ventes (i) en liquidation, (ii) publiques, (iii) en solde, (iv) conjointes ou couplées, (v) à distance et (vi) à perte. Les deux premières subissent peu de modifications. Les autres suscitent davantage d’attention.

Ventes en solde
Dorénavant, les soldes sont permises pour tous les biens et non plus uniquement « en vue du renouvellement saisonnier ». Les obligations de l’écoulement accéléré ainsi que de la vente dans les mêmes locaux où les produits étaient vendus auparavant ne sont plus maintenues. Les soldes par Internet sont désormais permises.
La limitation dans le temps des soldes est toutefois maintenue du 3 au 31 janvier et du 1er au 31 juillet. L’utilisation de la dénomination « soldes » ou toute autre dénomination similaire en dehors de ces périodes est interdite. Les biens soldés doivent avoir précédemment été offerts à la vente par l’entreprise pendant une période d’au moins 30 jours mais pas nécessairement pendant le mois précédant les soldes.
Les soldes doivent obligatoirement résulter dans une réduction de prix par rapport au prix le plus bas appliqué pendant le mois précédent ou dans le passé. La charge de la preuve du respect de ces conditions incombe à nouveau à l’entreprise.
Le législateur belge a voulu maintenir également les périodes dites « d’attente », tout en les délimitant dans le temps et à certains secteurs. Il reste donc interdit d’annoncer des réductions de prix et de diffuser des bons de réduction produisant leur effet en période d’attente, à savoir entre le 6 décembre et le 2 janvier (ou le 1er janvier si le 3 est un dimanche) et entre le 6 juin et le 30 juin (ou le 29 juin si le 1er juillet est un dimanche) dans les secteurs de l’habillement, des chaussures et de la maroquinerie en sens large. En revanche, il est autorisé d’annoncer les soldes en période d’attente.

Ventes conjointes ou couplées
L’interdiction de principe antérieure devenue intenable suite à la première jurisprudence de la Cour de justice européenne interprétant la Directive, est abandonnée. La LPMC autorise désormais les offres conjointes, sous réserve du respect des normes relatives aux pratiques loyales. Les services financiers restent toutefois soumis à un régime plus strict, ce que la Directive permet.

Ventes à distance
Deux importantes modifications sont à signaler (i) le droit de rétractation du consommateur est étendu à 14 jours calendrier minimum, et (ii) la faculté désormais reconnue pour l’entreprise de demander un acompte avant l’expiration du délai de réflexion. Les contrats à distance portant sur des services financiers connaissent un régime particulier. A noter que les deux modifications susvisées ne s’appliquent pas aux contrats conclus en dehors des locaux de l’ entreprise, p.ex. à la résidence ou au lieu de travail du consommateur ou encore dans les salons, foires et expositions, pour autant qu’il n’y ait pas paiement sur place de la somme totale et que le prix excède 200€.

Ventes à perte
Il reste interdit à toute entreprise d’offrir en vente ou de vendre des biens à perte, hormis certaines exceptions telles que les soldes ou les biens dont la conservation ne peut plus être assurée. Est considérée comme une vente à perte, toute vente à un prix qui n’est pas au moins égal au prix auquel l’entreprise a acheté le bien ou que l’entreprise devrait payer lors du réapprovisionnement, après déduction des éventuelles réductions accordées et définitivement acquises. Cependant, la prohibition de la vente à perte assimilée, c’est-à-dire avec une marge bénéficiaire extrêmement faible, est abandonnée, vu les nombreuses difficultés causées par l’interprétation de cette notion dans la pratique jurisprudentielle. En cas d’offre conjointe de plusieurs biens, identiques ou non, l’interdiction ne s’applique que lorsque l’offre dans son ensemble constitue une vente à perte.

Autres dispositions de la LPMC

Sont exclus du champ d’application de la nouvelle loi, les consommateurs qui sont des personnes morales, les titulaires d’une profession libérale, les dentistes et les kinésithérapeutes.
La LPMC impose certaines conditions générales pour les contrats conclus avec les consommateurs (bon de commande, documents justificatifs, reconduction d’un contrat de service, …) et contient une liste de 33 clauses contractuelles dans les relations avec les consommateurs qui sont considérées comme étant abusives, lesquelles sont interdites et frappées de nullité. Cette liste pourra évoluer en fonction des recommandations émises par la commission des clauses abusives déjà en fonction dans le cadre de la loi précédente.
La première section du chapitre 4 de la LPMC est entièrement consacrée aux pratiques commerciales déloyales à l’égard des consommateurs, ce qui constitue la transposition assez fidèle en droit belge de la Directive en la matière. Il est permis de douter que certaines des restrictions susvisées, p.ex. en matière des annonces de réduction de prix, des périodes d’attente et des soldes soient compatibles avec la Directive, puisqu’elles paraissent aller au-delà de ce que celle-ci permet. Il est assez significatif que l’exposé des motifs de la LPMC précise à cet égard que « il n’est pas absolument établi que ces règles soient contraires à la directive 2005/29 ».
La section 2 du même chapitre traite des pratiques du marché déloyales à l’égard de personnes autres que les consommateurs. Cette partie n’est donc aucunement visée par la Directive.
Elle inclut la norme générale applicable dans les relations entre entreprises qui interdit tout acte contraire aux pratiques honnêtes du marché par lequel une entreprise porte atteinte ou peut porter atteinte aux intérêts professionnels d’une ou de plusieurs autres entreprises. La LPMC ne définit toutefois pas la nouvelle notion de « pratique honnête du marché », laissant ainsi le champ libre à la créativité des tribunaux et cours belges. On peut s’attendre à ce que ceux-ci continuent à s’inspirer de l’ancienne disposition qui interdisait tout acte contraire aux usages honnêtes en matière commerciale par lequel un vendeur porte atteinte ou peut porter atteinte aux intérêts professionnels d’autres vendeurs et laquelle a donné lieu à une vaste jurisprudence, p.ex. en matière de détournement de clientèle ou de personnel, ou encore de concurrence parasitaire.
Enfin, la LPMC reprend le régime des sanctions pénales déjà applicable dans le cadre de la loi précédente et les infractions à la LPMC peuvent également faire l’objet d’une action en cessation devant le président du tribunal de commerce.