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De la toujours délicate rédaction de la motivation du licenciement : illustration récente

Depuis 2016 (Loi n°2016-1088 du 8 août 2016, dite Loi Travail), les difficultés économiques de nature à motiver un licenciement économique sont « caractérisées

  • soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation,
  • soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés. »

La baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires exigée pour caractériser des difficultés économiques doit être constatée sur une durée minimum, fixée selon l’effectif de l’entreprise, entre un et quatre trimestres en comparaison avec la même période l’année précédente.

(article L.1233-3 du code du travail).

Cette rédaction a l’avantage de rendre objective l’appréciation de la cause réelle et sérieuse de licenciement économique.

L’objectivité du critère pouvait s’avérer attrayante… jusqu’à ce que l’évolution récente de la jurisprudence démontre que ce critère n’apporte pas toute la sécurité juridique attendue.

En effet, par une décision du 1er juin 2022 (N°20-19.957, arrêt n°667 FS-B), la Cour de cassation fait une application très stricte du texte légal : la baisse doit nécessairement être constatée au cours des trimestres consécutifs précédant directement la notification du licenciement, par rapport au ratio enregistré l’année précédente à la même période.

Or, dans une procédure de licenciement collectif, quelques mois s’écoulent nécessairement entre la saisine du CSE sur le projet de licenciement collectif et la notification des licenciements. Ces délais sont encore plus longs s’agissant des salariés protégés, compte tenu de la procédure spéciale applicable et de l’autorisation administrative requise.

Dans l’intervalle, le chiffre d’affaires a pu commencer à remonter, sans que la situation économique et financière de l’entreprise ne se soit pour autant redressée.

Avec cet arrêt du 1er juin 2022, dès lors qu’une amélioration – même non significative et de très courte durée – du chiffre d’affaires est constatée au moment de la notification du licenciement, le motif de licenciement ne serait plus valable.

Dans ces conditions, la sécurisation juridique requiert de faire aussi état, dans la motivation présentée au CSE comme dans la lettre de licenciement, de « tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés » économiques.

C’est ce qu’admet la Cour Suprême dans un nouvel arrêt tout récent : « si la réalité de l’indicateur économique relatif à la baisse du chiffre d’affaires ou des commandes au cours de la période de référence précédant le licenciement n’est pas établie, il appartient au juge, au vu de l’ensemble des éléments versés au dossier, de rechercher si les difficultés économiques sont caractérisées par l’évolution significative d’au moins un des autres indicateurs économiques énumérés par ce texte [L.1233-3], tel que des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, ou tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés » (Cass. soc. 21 septembre 2022, n°20-18.511 FS-B).

La sécurisation du motif économique de licenciement conduira à revenir à un faisceau d’indices, plutôt que la seule baisse significative d’un seul indicateur. Les difficultés économiques seront ainsi caractérisées dans la lettre de licenciement par un ensemble de données comptables et financières, dont le sérieux sera soumis à l’appréciation des juges au cas par cas.

Par Hélène Meunier, Consultante et Sophie Uettwiller, Associée et responsable du département social d’UGGC Avocats

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