Signature d’un accord relatif au respect du droit d’auteur dans les contrats du cinéma
Souligné par @ContexteNum, ce mardi 12 octobre 2021 a été signé, en présence de la ministre de la Culture Roselyne Bachelot, un« accord relatif aux clauses types subordonnant l’attribution des aides du CNC en application de l’article L. 311-5 du Code du cinéma et de l’image animé» [1]. Réunissant autour de la table des négociations la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD), les organisations de scénaristes [2] et de réalisateurs [3] face aux syndicats de producteurs de cinéma [4], l’accord professionnel vise la meilleure protection des droits patrimoniaux et moraux des auteurs de cinéma ; pour ce faire, il subordonne le bénéfice des aides disponibles auprès du CNC à l’insertion de clauses types tendues vers cette fin.
Les deux font la paire : après conclusion, le 17 septembre 2021, d’un accord collectif [5] analogue relatif aux contrats conclus avec les auteurs d’œuvres audiovisuelles [6], c’est cette fois-ci au tour des contrats conclus avec les auteurs d’œuvres cinématographiques de se voir appliquer des obligations du même ordre. Signé le 12 octobre 2021, le présent accord est célébré par la SACD dont elle estime qu’il constitue un « puissant levier pour faire disparaitre les pratiques contraires au droit d’auteur et pour favoriser des pratiques plus vertueuses dans le secteur du cinéma » [7], au même titre que la Société civile des Auteurs Réalisateurs Producteurs (ARP) qui s’est félicitée d’un « accord historique » obtenu dans un combat « essentiel au droit d’auteur » [8] ; ces louanges font écho à celles adressées à l’accord du 17 septembre 2021, dont la SACD disait qu’il représente une « avancée majeure pour les auteurs et un outil essentiel pour garantir l’effectivité de leurs droits en évitant le développement de pratiques contraires au droit d’auteur » [9].
Il importe de souligner que « l’attribution des aides financières du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) est subordonnée à l’inclusion dans les contrats conclus avec les auteurs d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles remis à l’appui d’une demande d’aide de clauses types assurant le respect des droits moraux. »
L’accord est conclu pour application de l’article L. 311-5 CPI nouveau [10], tel que modifié par l’article 26 de l’ordonnance du 21 décembre 2020 [11] transposant la Directive SMA de 2018 [12], et que rappelle l’accord en son préambule ; le but étant « d’établir les clauses types dont le contenu doit figurer, hors dérogation, dans chaque contrat passé pour la production d’une œuvre pour laquelle une aide financière au CNC est demandée » [13] :
- Seule l’insertion de clauses assurant le respect des droits moraux [14] et patrimoniaux [15], dans les contrats conclus avec les auteurs d’œuvres cinématographiques (et audiovisuelles), permet aux producteurs de bénéficier des aides financières du CNC.
- Par dérogation, si le producteur établit que le contrat est conclu avec un auteur étranger domicilié hors du territoire français et dont la loi à laquelle il est soumis empêche l’inclusion des clauses précitées, le CNC peut malgré tout décider de lui accorder lesdites aides.
L’accord s’articule autour de 6 articles distincts : (i) le premier traite du champ d’application de l’accord, (ii) le second des clauses types visant à assurer le respect des droits moraux reconnus aux auteurs, (iii) le troisième des clauses types visant à assurer le respect des principes relatifs à la détermination de la rémunération des auteurs, (iv) le quatrième du principe de « non-contrariété » qui prive d’effet toute clause contraire inclue dans les contrats, (v) le cinquième de la nécessité pour le producteur d’inclure les clauses types prévues aux articles 2 et 3 de l’accord pour pouvoir bénéficier des aides du CNC, (vi) le sixième de la durée et date d’entrée en vigueur de l’accord : conclu pour une durée de cinq ans reconduite tacitement par périodes d’un an, il s’applique à tous les contrats de production audiovisuelle portant sur un projet d’œuvre cinématographique conclus à compter du 12 décembre 2021.
Plus précisément, les articles 2 et 3 sont composés de clauses types, prérédigées.
L’article 2 de l’accord renvoie aux articles L. 121-1 et 5 CPI et prévoit que :
- Sur le droit au respect du nom et de la qualité de l’auteur : le producteur veille à ce que le nom et la qualité de l’auteur figurent notamment au générique de l’œuvre ainsi que sur d’autres supports d’exploitation et de promotion, lorsque les conditions matérielles le permettent et selon les conditions prévues au contrat.
- Sur l’établissement de la version définitive de l’œuvre : l’œuvre est réputée achevée lorsque sa version définitive a été établie :
- En principe, d’un commun accord entre d’une part le réalisateur et d’autre part le producteur ;
- Par dérogation, avec l’accord d’autres co-auteurs, outre les personnes susmentionnées.
Le désaccord entre réalisateur et producteur, aussi persistant soit-il, ne fait pas obstacle à la nécessité de trouver un accord pour que l’œuvre soit réputée achevée.
- Sur le droit au respect de l’œuvre : par renvoi aux articles L. 121-1 et 5 CPI, il est rappelé que :
- La matrice de la version définitive de l’œuvre ne peut être détruite ;
- Toute modification de la version définitive exige l’accord du réalisateur ou des co-auteurs ;
- Tout transfert de l’œuvre sur un autre support en vue d’un autre mode d’exploitation nécessite la consultation préalable du réalisateur.
L’article 3 de l’accord renvoie aux article L. L. 131-4 et L. 132-25 CPI et dispose que :
- Sauf exceptions légales, la cession des droits de l’auteur emporte rémunération proportionnelle calculée sur les recettes issues de la vente ou de l’exploitation ;
- Lorsque l’œuvre est déterminée et individualisable et que le public paie pour en recevoir communication, le producteur verse à l’auteur une rémunération proportionnelle à ce prix ;
- Dans les autres cas, la rémunération est versée dans les conditions prévues au contrat :
- Soit par le producteur ;
- Soit par l’organisme de gestion collective (OGC) dont l’auteur est membre et pour les modes d’exploitations et territoires pour lesquels il lui a confié la gestion ;
- La rémunération doit être conforme aux accords professionnels relatifs à la rémunération des auteurs obligatoires du fait de la loi.
Rédigé par l’équipe IP/IT du cabinet UGGC Avocats.
[1] Voir l’accord en question :
https://www.sacd.fr/sites/default/files/clauses_type_cinema_accord.pdf
[2] Les Scénaristes de cinéma associés (SCA), La Guilde française des scénaristes, La Société civile des auteurs réalisateurs producteurs (ARP), La Fédération des associations des métiers du scénario (FAMS)
[3] L’Association du cinéma indépendant pour sa diffusion (ACID), La Société des réalisateurs de films (SRF)
[4] Le Syndicat des producteurs indépendants (SPI), L’Association des producteurs indépendants (API), Syndicat des producteurs de films d’animation (AnimFrance), L’Union des producteurs de cinéma (UPC)
[5] Voir l’accord en question : https://www.sacd.fr/sites/default/files/clauses_types_audiovisuel_accord_09_2021.pdf
[6] SACD, Nouvel accord auteurs / producteurs sur les clauses-types dans les contrats cinéma, 12 octobre 2021
Voir : https://www.sacd.fr/nouvel-accord-auteurs-producteurs-sur-les-clauses-types-dans-les-contrats-cinema-0
[7] SACD, Nouvel accord auteurs / producteurs sur les clauses-types dans les contrats cinéma, 12 octobre 2021
Voir : https://www.sacd.fr/nouvel-accord-auteurs-producteurs-sur-les-clauses-types-dans-les-contrats-cinema-0
[8] ARP, Signature d’un accord fondamental et attendu réaffirmant notre souveraineté et la singularité de notre modèle, 12 octobre 2021
Voir : https://larp.fr/communiques/signature-dun-accord-fondamental-et-attendu-reaffirmant-notre-souverainete-et-la-singularite-de-notre-modele/
[9] SACD, Une avancée majeure pour les auteurs de l’audiovisuel, 17 septembre 2021
Voir : https://www.sacd.fr/une-avancee-majeure-pour-les-auteurs-de-laudiovisuel-0
[10] Voir : https://www.circulaires.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042726223
[11] Article 26 de l’ordonnance n° 2020-1642 du 21 décembre 2020 portant transposition de la directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels, compte tenu de l’évolution des réalités du marché, et modifiant la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, le code du cinéma et de l’image animée, ainsi que les délais relatifs à l’exploitation des œuvres cinématographiques.
Voir : https://www.circulaires.gouv.fr/loda/id/LEGIARTI000042724534/2020-12-24/
[12] Directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive « Services de médias audiovisuels »), compte tenu de l’évolution des réalités du marché.
Voir : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A32018L1808
[13] Accord précité, préambule, in fine
[14] Tels que prévus aux articles L. 121-1 pour les droits au respect du nom, de la qualité d’auteur et au respect de l’œuvre, et L. 121-5 pour le droit moral spécial applicable en matière d’œuvre audiovisuelle
[15] Tels que prévus aux article L. 131-4 pour les questions liées aux cessions, étendue de la cession, et modes de rémunération de la cession au profit de l’auteur, et L. 132-25 prévoyant que chaque mode d’exploitation de l’œuvre donne droit à rémunération pour l’auteur et les cas dans lesquels celle-ci est proportionnelle.