SPECIAL EURO 2020 – Football : un droit encore hors-jeu ? (Partie 1)
Comme vous le savez sûrement, l’Euro 2020 de football a débuté ce vendredi 11 juin avec le match d’ouverture Turquie – Italie à Rome. Profitons de cet évènement pour rappeler quelques problématiques juridiques autour de ce sport riche en contentieux.
I/ Le droit à l’image des footballeurs
Des plus grandes marques de vêtements aux jeux vidéo, l’image des footballeurs professionnels est un marché lucratif, mais il est également sujet à de nombreuses controverses. En effet, l’image des footballeurs est souvent exploitée dans un contexte d’autorisations imprécises tout en générant des profits substantiels. Comment se gère l’exploitation de l’image des footballeurs ?
Le principe
Le joueur lui-même : le droit au respect à la vie privée de l’article 9 du Code civil et de l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme a permis l’élaboration d’un principe clair par la jurisprudence : « Toute personne a sur son image et sur l’utilisation qui en est faite, un droit exclusif et peut s’opposer à sa diffusion sans son autorisation »[1].
Les modalités
La charte du football dans son article 280 b) et d) présente deux situations pour l’exploitation de l’image des joueurs[2]:
–Le club : par la signature de son contrat, le joueur donne à son club l’autorisation d’utiliser à son profit son image sous réserve que l’image de 5 joueurs au moins de l’effectif soit exploitée d’une manière rigoureusement identique. A titre d’exemple, des sites de paris sportifs ont conclu des contrats avec certains clubs pour utiliser l’image de plusieurs joueurs.
–L’UNFP : l’utilisation de l’image individuelle et collective de joueurs regroupant simultanément plusieurs joueurs de plusieurs clubs, ne pourra être réalisée qu’avec l’accord et au profit de l’UNFP.
-Les joueurs les plus populaires créent parfois une société dédiée à la gestion de leur droit à l’image ou confient l’exploitation de leurs droits à des tiers : on se rappelle du joueur Paul Pogba privé de ses droits apparemment « cédés » à son premier agent.
Aujourd’hui, les footballeurs de ligue 1 perçoivent une contrepartie qui ne leur parait pas proportionnée pour leur image par rapport à l’exploitation dont elle fait l’objet.
Ils appellent à un plus juste équilibre entre tous les enjeux : droit de la personnalité et droit à l’image, financement des clubs, annonceurs et télédiffuseurs, intérêt général du public et rôle, responsabilité et influence positive du sport dans la société.
II/ La promotion de marque par les athlètes
Selon un arrêt du 12 mai 2021 de la Deuxième chambre civile, la présentation directe ou indirecte au public d’un produit par un athlète à l’occasion de diverses manifestations et notamment, d’exhibitions sportives, avec ou sans compétition, entre dans le champ d’application de la présomption du contrat de travail de mannequin.
Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée au contrat par les parties. Elle n’est pas non plus détruite par la preuve que le mannequin conserve une entière liberté d’action pour l’exécution de son travail de présentation.
Ainsi la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel qui a inversé la charge de la preuve. Concrètement, un footballeur qui présente un produit et une marque est considéré comme un mannequin.
Par l’équipe IP-IT-Médias d’UGGC Avocats.
Sources : Cass. 2e civ., 12 mai 2021, n° 19-24610
- https://www.agentfootball.fr/2020/10/22/paul-pogba-les-dessous-du-droit-dimage/
- https://www.unecatef.fr/assets/upload/docs/90e4ba371ab7df11cf584b460358f216b6da76f5.pdf
[1] Voir en ce sens, CEDH, arrêt du 15 janvier 2009, Reklos et Davourlis c. Grèce, n° 1234/05, § 40, Cass. Civ. 1ère, 27 février 2007, n° 06-10393 ou Cour d’appel de Paris 11ème chambre, section B Arrêt du 14 février 2008
[2] ARTICLE 280 de la Charte du Football
b) Par la signature de son contrat de travail et par voie d’avenant spécifique, le joueur donne à son club l’autorisation d’utiliser à son profit son image et/ou son nom reproduits d’une manière collective et individuelle sous réserve que 5 joueurs au moins de l’effectif soient exploités d’une manière rigoureusement identique (…)
c) Le joueur peut faire réaliser à son profit des actions publicitaires sur son image et/ou son nom, sans les équipements et marques du club, mais avec la possibilité de la mention du nom de son club (…)
d) L’édition, la reproduction ou l’utilisation de l’image individuelle et collective de joueurs professionnels évoluant en France et regroupant simultanément plusieurs joueurs de plusieurs clubs, ne pourront être réalisées qu’avec l’accord et au profit de l’UNFP (…)