L’INFLUENCE DE LA JURISPRUDENCE DANTHONY EN DROIT DE L’ENVIRONNEMENT
Par Marylène Fourès
Dans un prochain article à paraître, nous analyserons de façon plus exhaustive et systématique l’influence de la jurisprudence Danthony en droit de l’environnement.
Il s’agit simplement ici de rappeler les conséquences de cette jurisprudence face au risque d’annulation contentieuse.
1) L’arrêt Danthony (CE, Assemblée, 23 décembre 2011, n°335003) a, en effet, initié une démarche renforçant considérablement les pouvoirs d’appréciation du Juge administratif en matière de vices de procédure. Selon le considérant de principe, désormais systématiquement repris par la jurisprudence, « si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie ».
Il s’agit donc d’une approche très pragmatique des vices de forme et de procédure, qui se trouvait déjà en germe dans la distinction traditionnellement faite par le Juge administratif entre les vices qualifiés de « substantiels » et ceux considérés comme « non substantiels ».
En particulier, le Juge recherche si les inexactitudes, omissions ou insuffisances de l’étude d’impact ont empêché la population de faire connaître utilement ses observations à l’occasion de l’enquête publique ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative (voir l’arrêt de principe : CE, 14 octobre 2011, Société OCREAL, n°323257). La démarche est identique pour ce qui concerne l’étude de dangers ou encore l’évaluation Natura 2000.
2) L’application désormais systématique de la jurisprudence Danthony limite les effets parfois excessifs d’une appréciation trop stricte des vices de forme.
Elle évite ainsi à l’exploitant d’installations classées de voir tous ses efforts réduits à néant par une annulation venant sanctionner des erreurs de procédure alors que la mise en œuvre de celle-ci lui échappe pour l’essentiel.
Le Juge recherche en effet, à partir des éléments concrets du dossier, si le vice de forme ou de procédure a réellement privé les personnes intéressées d’une garantie ou influencé la décision de l’autorité administrative ; dans la négative, le vice de procédure ne peut, à lui seul, justifier l’annulation de l’acte.
En matière d’enquêtes publiques, le Conseil d’Etat a ainsi récemment jugé que l’absence de mention, au sein de l’arrêté d’ouverture de l’enquête publique et de l’avis d’enquête, de la présence d’une étude d’impact au sein du dossier n’était pas de nature, en l’absence d’autres circonstances, à faire obstacle à la participation effective du public à l’enquête et à ainsi le priver d’une garantie ou à exercer une influence sur les résultats de l’enquête (CE, 27 février 2015, Ministre de l’intérieur, n°382502).
De même, la motivation insuffisante des conclusions du Commissaire enquêteur ou de la Commission d’enquête ne prive pas nécessairement le public d’une garantie ; tout dépend des circonstances de l’affaire (voir, par exemple : CAA Douai, 9 avril 2014, SNC MSE Le Moulin de Séhen, n°12DA01458).
La jurisprudence Danthony vient ainsi compléter, a posteriori, les possibilités de régularisation a priori offertes par la réforme des enquêtes publiques : possibilité de demander au Commissaire enquêteur de compléter ses conclusions (article R. 123-20 du Code de l’environnement) ou encore possibilité de suspendre ou compléter l’enquête publique en cas de changement affectant le projet (articles L. 123-14 du Code de l’environnement).